28/05/2007

Intégrer la pente

Construire en montagne implique incontestablement la prise en compte de la pente du site. Cette pente est à la fois contrainte et génératrice de solutions d’adaptation diverses selon les caractéristiques précises du site.
L’architecte se doit d’appréhender aux mieux cette contrainte en proposant des réponses adaptées selon l’orientation, l’ensoleillement, le programme, la nature du sol, le paysage où s’intègrera la construction projetée.
Plusieurs implantations sont possibles, en voici quelques-unes, illustrées d'exemples significatifs.

Habitat et Equipements Collectifs :

1- Implantation parallèle aux courbes de niveaux :

Le Monolithe…

L’implantation la plus simple n’est pas toujours la meilleure. En montagne, elle est souvent celle qui s’affranchit du site. Le bâtiment fréquemment monolithique est posé là comme une vulgaire « barre de banlieue ». Il offre tout de même une vue dégagée sur l’aval et le panorama au détriment d’une vue en « plein flanc » pour les logements orientés vers l’amont.
Cette typologie s’accorde parfaitement sur des plateaux d’alpages où la pente est interrompue pour laisser place à de vastes étendues.
Ces bâtiments, longeant les courbes de niveaux, marquent le paysage lointain et font face (et plus justement « front ») aux pistes comme à la vue lorsqu’on les approche. Généralement de structure béton, ces bâtiments semblent être un appel de la ville à la montagne que l’on peut regretter.
L’habitat est dense et présente des formes conventionnelles du logement collectif.

Flaine, Haute-Savoie

A l’origine de sa conception, le promoteur Eric Boissonas par rejet du régionalisme revendique une architecture de station de sports d’hiver à la fois moderne, contemporaine et urbaine.
Flaine est l’œuvre de l’architecte américain Marcel Breuer. L’architecture sera à la hauteur des attentes du promoteur : une architecture sobre, de béton apparent aux éléments préfabriqués, austère voire froide.
Les formes s’intègrent par leur couleur à la falaise et jouent agréablement avec les ombres et la lumière par temps dégagé.
Les bâtiments sont simplement posés sur le site s’étageant sur 3 niveaux reliés entre eux par des ascenseurs inclinés. L’un d’entre eux va même jusqu’à s’affranchir du site en présentant un important porte-à-faux au-dessus d’une falaise.
Cette nouvelle architecture faite de tout béton eut peu de successeurs et adeptes en station.
Flaine reste une station clairement fonctionnelle dont le dialogue avec le site fut relégué au second plan.


Flaine, Forum, Haute-Savoie

La Caverne

L’implantation parallèle aux courbes de niveaux s’efface sous terre, dans le flanc de la montagne.
Les circulations et les espaces techniques sont rejetés au plus profond du bâtiment, laissant des espaces de vie chaleureux et lumineux capter la lumière et la vue.
Le bâtiment est totalement intégré à la montagne par les toitures engazonnées qui se fondent dans le paysage en été et se recouvrent de neige en hiver. Seuls, quelques éléments (circulations verticales, hall d’accueil…) émergent du sol. Les bandeaux vitrés soulignent discrètement le paysage tout en laissant entrer la nature dans le bâtiment.
Bien que les travaux engendrés par ce type de construction soient importants et nécessitent un important remodelage de terrain, le résultat final semble atteindre un parfait équilibre entre l’Architecture et la Nature.
C’est la montagne habitée.

Centre de vacances et d’études, Nakano Village, Japon

Le site très pentu implique une insertion optimale. Le bâtiment longe les courbes de niveaux. L’insertion, totalement linéaire, se développe sur 3 niveaux reliés entre eux par 3 cages d’escalier. Ce bâtiment présente l’avantage de se déployer largement dans le site tout en restant discret. Seuls quelques lanterneaux, éclairant les salles communes, émergent du sol.


Centre de vacances et d’études, Nakano Village, Japon

2- Implantation Perpendiculaire aux courbes de niveaux :

Les Gradins…

Cette typologie d’implantation présente la particularité d’être à la fois parallèle et perpendiculaire aux courbes de niveaux.

En effet, le bâtiment se déploie en s’étageant en terrasses s’offrant au soleil et à la vue tout en recouvrant le flanc de montagne de façon linéaire le long des courbes de niveaux. Les logements sont mono-orientés vers la vue et le soleil, les circulations sont essentiellement horizontales (couloirs) puis selon l’ampleur du projet complétées par des circulations verticales. Ces espaces de circulations tout comme les espaces techniques sont rejetés dans la profondeur du bâti, libérant les espaces ouverts pour les espaces de vie.
Ce type d’implantation engendre des constructions plutôt longues offrant les avantages de l’immeuble (densité, proximité, compacité…) tout en donnant l’impression d’une construction de quelques étages seulement.
L’intégration au site conjugue discrétion (faible hauteur), adaptation (prise en compte de la pente), et rentabilité (densité).

Le versant Sud, Les Arcs 1600, Savoie.

Le versant Sud regroupe 215 logements de vacances tous orientés Sud-Ouest ainsi qu’un hôtel d’une trentaine de chambres.
La composition en gradins (ou en cascade) permet de s’adapter au site très pentu. Chaque logement bénéficie, grâce à ce dispositif, d’une large terrasse ne portant pas ombre sur celle du logement inférieur.
Le soleil et la vue sont pour tous.


Le versant Sud, Les Arcs 1600.

La Cascade

La Cascade est une typologie d’implantation similaire à celle des « gradins » mais plus marquée par sa perpendicularité à la pente.
La typologie en « cascade » s’affranchit du site tout en composant avec. Souvent utilisée lors d’une exposition Est-Ouest, elle permet aux logements traversants de profiter de la lumière du jour tout au long de la journée.
Chaque logement bénéficie de la vue sans vis-à-vis permettant un dialogue direct avec la nature.
Le bâtiment intègre la pente à sa morphologie. Il s’adapte à un site très pentu tout en faisant la liaison entre le haut et le bas de la station.
Souvent monolithique, le bâtiment de type « cascade » accepte une densité importante.

Résidence La Nova, Les Arcs 1800, Savoie.

Ce programme de plus de 1800lits est implanté en rupture de pente. Son plan circulaire fait bénéficier à chaque logement du soleil sans offrir de vis-à-vis.


Résidence La Nova, Les Arcs 1800, Savoie

3- Implantation « Libre »

La Tour

Son implantation dégage au maximum l’emprise au sol. Elle permet de loger en quantité tout en préservant le site et l’environnement naturel dans lequel elle s’intègre.

Elle marque une verticalité dans le paysage comme un signal ou un phare, un point de repère désignant un lieu de vie et d’établissement humain en opposition à l’environnement sauvage (au sens de naturel) qui l’entoure.
Cette typologie fonctionne bien dans le cadre d’un élément unique implanté dans le paysage, dès que l’élément se répète il perd de sa force et amplifie l’impact de la construction dans le paysage de façon plutôt négative.
L’unicité de la tour souligne un environnement naturel préservé.
Fonctionnement : L’habitat est superposé et dense. Cette typologie permet à chacun de bénéficier d’une vue dégagée et sans vis-à-vis sur tout le panorama. Les circulations verticales (ascenseurs, escaliers…) sont privilégiées et centrales au bâtiment.

L’hôtel Tower, Tomamu, Japon.

Situé au pied des pistes, cet hôtel marque le paysage montagnard japonais de sa hauteur. L’hôtel Tower superpose 3 fois 12 niveaux. Cette implantation dégage de vastes espaces conservés pour leur utilisation de loisirs en été comme hiver.


L’Hotel Tower, Tomamu, Japon, 1980.

Habitat individuel :

La Caverne

Reprenant les principes, tant les avantages que les inconvénients, de l’habitat collectif du même nom précédemment évoqués, la Caverne est en fait une forme d’habitat troglodyte dans le sens noble du terme. Ce type d’habitat permet une inertie thermique inégalable sous d’autres formes. Offrant la vue, la lumière et le dialogue avec la nature, l’habitat enterré ou creusé dans la roche permet une intégration optimale au site, changeant d’apparence au rythme des saisons.
Reproduisant ce type d’habitat, la montagne deviendrait une fourmilière dissimulant de l’habitat tout en préservant sa morphologie originelle.

Exemple type d’habitat vernaculaire intégré dans la montagne :


Plan Pichu, Granier, Savoie

Les Gradins…

La typologie d’habitat individuel en « Gradins » reprend les principes de l’habitat collectif en « Gradins ».
Le logement est alors établit sur plusieurs niveaux voire même plusieurs demi-niveaux. Il peut être totalement mono-orienté, privilégiant vues sur le panorama et soleil sur de larges terrasses et au travers des baies vitrées.
Selon son implantation et son accès, les chambres peuvent être en Rez-de-Chaussée (ou de Jardin) et le Séjour à l’étage, ou inversement.

Aménagement d’un village touristique dans la vallée de Molesson, Suisse, 1965.


Premier Prix : Hans Hostettler
Maisons-terrasses échelonnées le long de la pente.

Le Belvédère…


L’implantation en surplomb permet d’offrir des vues en belvédère. Le logement décollé du sol, limite les travaux de terrassement (lors de site très pentu) et permet de préserver le site et la végétation existante. La nature peut ainsi dialoguer avec le bâtiment.
Cette exposition assure le meilleur ensoleillement. La construction peut être de structure légère (bois et verre par exemple) pour l’étage courant et le socle maçonné.
A l’instar de cabane forestière, L’espace est compact et donc rapidement chauffé.

Le chalet Perchoir, Orcières Merlette, Hautes-Alpes.

Ce modèle de chalet a été conçu pour les terrains de très forte pente. Les espaces y sont optimisés. La vue est dégagée et la nature prédominante.


Chalet Perchoir, Ocières Merlette, Hautes-Alpes, 1962

La Ferme

Le chalet est ancré dans le sol. Il reprend des principes ancestraux de l’habitat montagnard (pénétration de la nature et du soleil, protection contre le froid, ouverture sur le paysage…etc.) tout en l’alliant aux techniques actuelles (matériaux et mise en œuvre).
Reprenant l’orientation, les matériaux, la volumétrie des chalets avoisinants existants, la maison communique avec le lieu et la nature.
La diversité des couleurs, ouvertures, variantes de volumétries permet d’apporter une richesse au lieu tout en lui prêtant l’âme d’un hameau.

Le Lotissement de Planchamp, greffe sur le village ancien de Champagny-en-Vanoise.

Cet ensemble a été réfléchi dans une démarche de conception globale, s’attachant à définir précisément les volumes, orientations, pentes et débords des toitures pour chacun des lots le composant. Ainsi, cette réalisation donne le sentiment d’une continuité avec le village existant.
Les volumes sont simples, ils s’articulent autour des différents niveaux d’implantation et des ruelles piétonnières. L’interpénétration entre les espaces publics et privés donne une richesse à l’ensemble.
Le respect de l’échelle dans l’établissement de ces nouveaux chalets est un facteur de réussite de ce nouveau lotissement garant d’une certaine unité architecturale.


Extension du village de Champagny-en-Vanoise, 1970



L’implantation d’une construction dans un site n’est jamais anodine, elle implique forcément des impacts sur l’environnement, le paysage naturel et/ou bâti, la faune, la flore…

A chacun le devoir de faire preuve de bon sens, d’humilité, de respect et de logique lors de l’établissement d’un projet de construction.





Sources :
Hardy (Jean-Pierre), L’aventure architecturale des stations de sports d’hiver, Flaine, Sincère Béton, http://www.sabaudia.org/.
Lyon-Caen (Jean-François), Montagnes Territoires d'inventions, Ecole d'Architecture de Grenoble, Novembre 2003.
Pradelle (Denys), Urbanisme et architecture contemporaine en pays de neige, Atelir d'Architecture en Montagne,Libris, 2002.

Construire en montagne, Architecture d’aujourd’hui, n°126, Juin/Juilt 1966.


1 commentaire:

Hôtel du Golf a dit…

Merci pour ce bel article !